20/01/2017 – La démarche de France Insoumise se veut nouvelle. Et comme toute nouveauté politique, elle interroge. Petit focus sur le fonctionnement du mouvement et son positionnement vis-à-vis des autres partis politiques.
CONTENU EDITORIAL
Jean-Luc Melenchon, c’est le genre de client qu’on aime bien à Seinomedia. Quelqu’un qui a des idées, parfois farfelues mais que l’on peut questionner et des petites phrases que l’on peut interpréter. Pourquoi en parler ? Parce qu’il est le porte-parole du mouvement France Insoumise, candidat à la présidentielle et représenté dans la 7e circonscription de Seine Maritime aux législatives par Gérald Maniable. Oui, mais voilà. La stratégie du mouvement interroge. Intéressant dans ses propositions et son fonctionnement, il suscite le scepticisme quant à son positionnement politique.
France Insoumise aux législatives
6e République, révocabilité des élus, écosocialisme, valeurs humanistes, les idées défendues par Jean-Luc Mélenchon et son mouvement ont de quoi séduire. Certes, l’écosocialisme se heurte encore aux réalités technologiques du moment mais il a le mérite de relier plusieurs problématiques actuelles autour d’un sujet central pour aujourd’hui et l’avenir. Plus encore que les valeurs défendues par la France Insoumise, c’est son fonctionnement qui se veut innovant. Il ne s’agit pas d’un parti mais d’un mouvement. Un mouvement qui veut étendre son mode de fonctionnement interne aux institutions.
« Notre objectif, c’est la démocratie horizontale. France Insoumise est un mouvement horizontal. Une voix=une voix d’où qu’elle vienne. » Bernard Lelièvre, membre du mouvement
Très bien. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ce modèle dit « horizontal » se veut en opposition à la logique des partis traditionnels qui fonctionnent de manière pyramidale avec un chef et des militants derrière lui. Pourtant, dans son comportement, Jean-Luc Mélenchon ressemble à un chef. Pas du tout d’après la suppléante de Gérald Maniable dans la 7e circonscription, Veronica Petitjean.
« La France Insoumise est un mouvement où tout le monde est égal et Jean-Luc Mélenchon est notre porte-parole. »
Mouais… C’est un petit peu comme la différence entre un président et un premier secrétaire de parti. Mais là où le mouvement France Insoumise arrive à tirer son épingle du jeu politique, c’est son ouverture aux autres partis. Jean-Luc Mélenchon est soutenu par le Parti de Gauche qu’il a fondé mais aussi le Parti Communiste (PCF). L’important est d’adhérer à une charte politique de gauche. Cette ouverture se vérifie sur le terrain d’après Bernard Lelièvre.
« Moi, à titre personnel, je suis du Parti de Gauche mais au sein de France Insoumise, c’est mis de côté. On a même été rejoint par des gens de droite dont une qui avait été élue dans une municipalité de l’agglomération. »
Pourtant, les soutiens de Jean-Luc Mélenchon ne prennent pas part à sa campagne pour autant. Ainsi, France Insoumise, le PCF et le Parti de Gauche mènent chacun le combat de leur côté et avec leurs propres fonds. Maintenant qu’il a obtenu ses 500 signatures, Jean-Luc Melenchon va d’ailleurs procéder à un prêt pour financer sa campagne.
LA PRESIDENTIELLE ET APRES ?
Seulement, si ceci semble bien fonctionner en vue de la présidentielle, ça a l’air plus compliqué en ce qui concerne les élections législatives. Le PCF a investi ses deux candidats, Baptiste Bauza dans la 7e circonscription et Jean-Paul Lecoq dans la 8e. Bernard Lelièvre le déplore.
« France Insoumise n’était pas encore entré en négociation avec le PCF. Et il a annoncé unilatéralement ses candidats alors que nous étions disposés à nous présenter avec Jean-Paul Lecoq. »
Ah oui, évidemment. Surtout que Jean-Paul Lecoq a déjà été député de l’ancienne circonscription en 2007 de Seine Maritime et n’avait été battu que de 83 voix au premier tour dans la 8e en 2012 par la candidate socialiste, Catherine Troallic. Miser sur un tel candidat, c’était mettre toutes les chances de son côté. Et c’est là que l’on peut voir les limites de France Insoumise. Certes, le mouvement ne s’inscrit pas dans une logique de parti. Mais, à moins d’une victoire de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, il n’est pas assez fort pour ne pas chercher d’alliance. Et les alliances, il faut les trouver avec les autres forces politiques en présence qui sont… des partis. Gérald Maniable a beau soutenir que « l’appartenance à un parti casse les convictions », il semble évident que les potentiels élus France Insoumise à l’Assemblée Nationale devront faire des concessions pour former un groupe avec d’autres partis sous peine de se retrouver isolés. Finalement, tant que les forces politiques auront besoin les unes des autres pour asseoir leur domination, à droite comme à gauche, cette belle promesse que nous fait la France Insoumise ne restera que lettre morte.
Credit photo: Remi Noyon, Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent chantent l’Internationale, Dernier grand meeting de campagne du Front de Gauche et de son candidat Jean-Luc Mélenchon avant le premier tour des élections présidentielles. 19 avril 2012.
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